Cicatrisation : les bienfaits de l’oxygénothérapie hyperbare

l'ohb est utilisée en post-opératoire pour améliorer la cicatrisation et le rétablissement

L’oxygénation hyperbare (OHB) est un soin qui consiste à respirer de l’oxygène pur (100%) dans un environnement sous pression, généralement à environ 2,0 atmosphères absolues (ATA). Pour mieux, cela équivaut à la pression que l’on ressentirait à 10-15 mètres sous l’eau. Cette technique permet d’augmenter considérablement la quantité d’oxygène dissoute dans le sang et les tissus de l’organisme, créant ainsi un état d’hyperoxygénation qui favorise naturellement la guérison.

Le sujet prend place dans une chambre ou cabine hyperbare, où il respire cet oxygène enrichi pendant des sessions de 60 à 90 minutes, généralement répétées quotidiennement sur plusieurs semaines selon la pathologie traitée.

Comment l’oxygénothérapie hyperbare favorise-t-elle la cicatrisation ?

La cicatrisation est un processus complexe qui nécessite un apport suffisant en oxygène. Lorsque ce processus est compromis, souvent par un manque d’oxygène (hypoxie) ou une infection, les plaies deviennent chroniques et ne guérissent pas. L’OHB agit selon plusieurs mécanismes fondamentaux :

1. Amélioration de l’apport en oxygène et de la synthèse du collagène

L’OHB élève la tension d’oxygène dans les tissus, même dans les zones de plaies mal vascularisées. Cette oxygénation accrue est cruciale pour la formation du collagène – une protéine essentielle qui forme la « charpente » de nos tissus – et pour le bon fonctionnement des fibroblastes, ces cellules responsables de la réparation tissulaire. Les études cliniques montrent que les résultats bénéfiques de l’OHB sont directement corrélés à l’augmentation de l’oxygénation tissulaire mesurée par oxymétrie transcutanée.

2. Stimulation de la formation de nouveaux vaisseaux sanguins (angiogenèse)

L’exposition répétée à l’hyperoxie stimule la création de nouveaux vaisseaux sanguins dans le lit de la plaie. L’OHB induit la production de facteurs de croissance comme le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) et recrute des cellules progénitrices qui forment de nouveaux capillaires. Cette néovascularisation est particulièrement importante dans les tissus endommagés par la radiothérapie, où l’OHB a démontré sa capacité à promouvoir la formation de nouveaux vaisseaux et à améliorer la guérison des nécroses radio-induites.

3. Accélération de la régénération tissulaire

En améliorant l’apport en oxygène, l’OHB accélère la migration des cellules épithéliales et la contraction de la plaie. Les études montrent une re-épithélialisation plus rapide et une meilleure formation du tissu de granulation, accompagnées d’une expression accrue de cytokines de cicatrisation et d’enzymes qui remodelent les tissus. L’OHB pourrait également mobiliser les cellules souches qui participent à la réparation tissulaire.

4. Effets antimicrobiens et contrôle des infections

L’oxygène joue un rôle critique dans la capacité des globules blancs à éliminer les bactéries. L’OHB élève l’oxygène tissulaire à des niveaux qui améliorent la fonction des neutrophiles et des macrophages, renforçant ainsi le contrôle des infections. De plus, l’hyperoxie aide à perturber les biofilms bactériens – ces « boucliers » que forment les bactéries pour résister aux traitements – rendant les bactéries plus susceptibles d’être éliminées. L’OHB est directement toxique pour les bactéries anaérobies (qui vivent sans oxygène) comme les clostridies responsables de la gangrène gazeuse.

5. Réduction de l’œdème et de l’inflammation

L’oxygène hyperbare provoque une légère vasoconstriction dans les tissus normaux, ce qui peut réduire l’œdème sans compromettre l’apport d’oxygène (car le taux d’oxygène dans le plasma est très élevé). Cette réduction du gonflement tissulaire améliore la perfusion microcirculatoire dans la plaie et tempère l’inflammation excessive.

Quels sont les bénéfices cliniques prouvés ?

Les études cliniques récentes, notamment les essais randomisés contrôlés et les méta-analyses, ont documenté des bénéfices spécifiques de l’ajout de l’OHB aux soins standards de plaies :

Cicatrisation plus rapide et taux de guérison plus élevés

Les essais contrôlés randomisés confirment que l’OHB accélère significativement la cicatrisation de certaines plaies chroniques. Par exemple, dans les ulcères du pied diabétique, l’OHB adjuvante double approximativement la probabilité de guérison complète à 6-12 semaines comparé aux soins standards seuls. Une revue systématique de 2022 portant sur 20 essais contrôlés randomisés a trouvé que l’OHB augmentait le taux de guérison des ulcères (risque relatif ~1,90) et raccourcissait le temps de guérison d’environ 19 jours en moyenne.

Amélioration de l’oxygénation tissulaire et de l’angiogenèse

La surveillance de l’oxygène transcutané chez les patients avec des ulcères chroniques des membres montre des augmentations marquées pendant les sessions d’OHB, corrélées avec de meilleurs résultats de guérison. L’OHB a également montré sa capacité à améliorer la prise de greffes de peau dans les plaies compromises, avec un taux de succès de greffe 3,5 fois supérieur dans un essai contrôlé.

Contrôle des infections et réduction des amputations

Un bénéfice majeur de l’OHB est la réduction des complications infectieuses. Une revue systématique a trouvé que chez les patients avec ulcères du pied diabétique et infection sévère, l’OHB adjuvante réduisait significativement le risque d’amputation majeure (rapport de cotes ~0,24 en faveur de l’OHB). Dans les infections nécrosantes des tissus mous, l’OHB a montré des bénéfices salvateurs : une revue de 2023 portant sur plus de 49 000 cas d’infections nécrosantes a trouvé que l’OHB était associée à une réduction de 48% du risque de mortalité.

Meilleure qualité de la réparation tissulaire

Des preuves émergentes suggèrent que les plaies guéries sous conditions hyperbares peuvent avoir des résultats structurels et cosmétiques améliorés. Un essai clinique chez des patients sujets aux cicatrices chéloïdes a montré que l’ajout d’OHB post-excision réduisait significativement les taux de récidive chéloïdienne (seulement ~6% de récidive avec OHB vs 14% sans).

Quels types de plaies bénéficient le plus de l’oxygénothérapie hyperbare ?

Ulcères du pied diabétique

Les ulcères du pied diabétique sont l’indication la mieux étudiée pour l’OHB. Ces ulcères chroniques, souvent ischémiques et sujets aux infections, bénéficient particulièrement de l’OHB, surtout les ulcères de grade Wagner 3-4 (ulcères profonds avec abcès, ostéomyélite ou gangrène) réfractaires aux soins standard. L’OHB réduit approximativement de moitié le risque d’amputation majeure et accélère la cicatrisation d’environ 3 semaines en moyenne.

Plaies chroniques des membres inférieurs

Les ulcères veineux (dus à l’insuffisance veineuse chronique), artériels et de pression peuvent également bénéficier de l’OHB, bien que les preuves soient moins abondantes. Un essai contrôlé randomisé sur les ulcères veineux de jambe a rapporté une réduction significativement plus grande de la surface ulcérée à 6 semaines avec l’OHB adjuvante.

Plaies radio-induites et ostéoradionécrose

L’OHB est un traitement établi pour les lésions radio-induites tardives. Les tissus irradiés développent une fibrose et une oblitération vasculaire qui causent une hypoxie tissulaire chronique. Une revue systématique de 2025 sur l’OHB pour les complications radiologiques tardives a trouvé des taux de réponse globaux de 65-85% selon différentes lésions radiologiques, avec le plus grand succès dans les plaies pelviennes post-radiques.

Plaies traumatiques aiguës

Pour les blessures par écrasement sévères, un essai randomisé contrôlé a montré que l’OHB améliorait significativement les résultats, avec plus de plaies guérissant sans complications et moins de procédures chirurgicales additionnelles nécessaires. Dans les brûlures profondes du second degré, l’OHB a montré une re-épithélialisation plus rapide.

Infections nécrosantes et ostéomyélite réfractaire

L’OHB est une indication d’urgence pour les infections nécrosantes comme la fasciite nécrosante et la gangrène gazeuse. En hyperoxygenant les tissus, l’OHB inhibe directement la croissance bactérienne anaérobie et potentialise l’efficacité des antibiotiques. Les séries cliniques montrent une mortalité réduite d’environ moitié avec l’OHB comparé aux soins standards seuls.

Efficacité comparative : OHB versus autres traitements

L’OHB est typiquement utilisée en complément des soins standards de plaies. Les essais contrôlés montrent systématiquement que les patients recevant l’OHB en plus des soins standard ont de meilleurs résultats que ceux recevant seulement les soins standard.

Comparée à d’autres thérapies avancées comme la thérapie par pression négative (TPN) ou l’oxygène topique, l’OHB semble plus efficace pour les plaies profondes ou ischémiques grâce à sa capacité de délivrance systémique d’oxygène. Certaines études suggèrent des effets synergiques prometteurs quand l’OHB est combinée avec d’autres modalités comme la TPN ou les substituts cutanés bioingéniés.

Sécurité et effets secondaires

L’OHB est généralement considérée comme sûre lorsqu’elle est administrée selon des protocoles appropriés, mais elle comporte quelques effets secondaires et risques bien documentés :

Effets secondaires courants

  • Barotraumatisme de l’oreille et des sinus : L’effet secondaire le plus fréquent (10-20% des patients) est l’inconfort ou la lésion auriculaire due aux changements de pression. Dans les cas sévères, cela peut inclure une rupture du tympan.
  • Claustrophobie : Certains patients ressentent de l’anxiété dans l’espace confiné de la chambre.
  • Changements visuels transitoires : Une myopie temporaire peut survenir après des sessions répétées (>20 sessions) due aux changements de réfraction du cristallin induits par l’oxygène.
  • Hypoglycémie : Chez les patients diabétiques, l’OHB peut améliorer la sensibilité à l’insuline, occasionnellement causant une baisse de glycémie pendant le traitement.

Effets secondaires rares mais sérieux

La toxicité oxygen, principalement sous forme de convulsions induites par l’oxygène, est rare (estimée à <1 sur 2000 traitements) avec les protocoles standards. Ces convulsions n’ont typiquement pas d’effets durables et cessent quand le patient est retiré de l’oxygène.

Contre-indications

La seule contre-indication absolue est un pneumothorax non traité (poumon collapsé), car il pourrait se dilater dangereusement sous pression hyperbare. Les contre-indications relatives incluent certains agents chimiothérapeutiques, la BPCO sévère avec rétention de CO₂, et les troubles convulsifs non contrôlés.

Protocoles de traitement et considérations pratiques

Les protocoles typiques d’OHB pour la cicatrisation impliquent :

  • Sessions quotidiennes de 60-90 minutes
  • Pression de 1,5 à 2 ATA
  • Respiration d’oxygène hyperconcentré proche de 100%
  • Pauses respiratoires de 5 minutes toutes les 20-30 minutes pour prévenir la toxicité de l’oxygene
  • Protocoles de 10-30 sessions selon l’indication

Il est important de souligner que l’OHB n’est pas un traitement autonome mais un traitement adjuvant qui doit être intégré aux soins standards de plaies. Son efficacité est maximale quand les problèmes sous-jacents comme l’infection, l’ischémie et la pression sont également traités.

Conclusion

L’oxygénothérapie hyperbare représente un traitement adjuvant puissant et basé sur des preuves scientifiques pour améliorer la cicatrisation de plaies externes dans diverses conditions difficiles. En délivrant l’oxygène à des niveaux supraphysiologiques aux tissus hypoxiques, l’OHB déclenche une cascade de mécanismes de guérison – de l’angiogenèse et de la synthèse du collagène à l’amélioration de l’élimination des pathogènes – que les thérapies conventionnelles seules ne peuvent souvent pas atteindre.

Les études cliniques récentes confirment que l’OHB procure des bénéfices tangibles comme une cicatrisation plus rapide, des taux de guérison plus élevés, une meilleure oxygénation tissulaire, un meilleur contrôle des infections, et une probabilité accrue de sauvetage de membre dans les plaies sévères. Ces bénéfices ont été le plus clairement démontrés dans les ulcères du pied diabétique, les plaies radio-induites, et les plaies traumatiques aiguës à risque.

Bien que l’OHB ne soit pas la solution à toutes les plaies, elle offre une option thérapeutique précieuse pour les plaies « récalcitrantes » qui ne répondent pas aux mesures conventionnelles. Quand elle est utilisée judicieusement, dans le cadre d’une approche de soins globaux, l’OHB peut faire la différence entre une plaie chronique non cicatrisante et une plaie guérie, restaurant les patients à la santé quand les traitements standards seuls ne suffisent pas.

Sources principales : Kranke P et al. Cochrane Database Syst Rev. 2015; Zhang Z et al. Asian J Surg. 2022; Huang C et al. World J Emerg Surg. 2023; Goldman RJ. PM R. 2009; Undersea & Hyperbaric Med Soc. UHMS hyperbaric oxygen therapy indications, 14th edition. 2019.